Quatrième de couverture
J'ai eu tant de raisons de m'exposer à tous les vents par le biais de ces chroniques, de céder un peu de mon intimité à des yeux souvent inconnus dont certains, aujourd'hui, me donnent le bonheur de partager ma vie qui s'émeut chaque seconde de battre à la chamade sous leur doux regard.
Des lignes à la ronde, dévouées aux caprices d'un clic plus ou moins volontaire, mes sentiments intimes nichés dans le grand fatras de la blogosphère, de ces mille témoignages souvent insanes contre quelques uns, bien plus rares, peut-être superbes... Le creuset est riche, certes, mais assez ingrat finalement pour qui s'essaie à y croire davantage. Car il ne s'agit que de gribouiller de ces quelques caractères, plus ou moins bien trempés dans une encre imaginaire, des pages souvent négligées, fatalement inaperçues par le commun des mortels, ce lecteur critique et néanmoins ami des paragraphes, ce zappeur fou qui me rencontre au gré du hasard ou d'une démarche personnelle.
Car c'est comme à la Samaritaine, si m'en croyez : j'ai trouvé de tout chez ceux qui m'ont eux-mêmes trouvé. Mais une chose demeure, rien n'est éternel en ce bas monde et les oeuvres, si elles survivent quelquefois à leur auteur, ont ceci de périssable qu'il faut bien un jour savoir y mettre un terme, la touche finale, la signature, la quatrième de couverture.
Cent unième chronique, c'est le bon moment, il me semble, pour aller voir ailleurs, pour me cacher de ceux qui m'ont ainsi lu presqu'impunément, ne pouvant décemment blâmer leur intérêt un tantinet voyeur pour les tréfonds de mon égo, ce petit for intérieur qui s'expose prétentieusement lorsqu'il espère, à peine malgré lui, être violé un peu.
Si peu... mais c'est finalement trop désormais.
J'ai donc besoin de retrouver ma liberté, de me sentir à nouveau incorrect si besoin est, de cracher dans la soupe si les hauts le coeur m'en disent, de dégueuler du mal les jours d'ennui dans une mauvaise foi absolue ou une clairvoyance des plus sensibles...
Je veux filer de là, je veux filer mes métaphores sous d'autres cieux, autrement peut-être, à l'abri d'un anonymat relatif, loin du souci étrange de devoir composer de manière régulière pour demeurer vivant, scribouillard actif et méconnu, frustré d'un je ne sais quoi, peut-être de ne pas être fils caché d'un Président pour inscrire une autre lisibilité sur mes pauvres productions, peut-être de ne pas avoir assez de talent pour se faire légèrement remarquer au milieu du presque rien...
Dernière page donc, cartonnée pour mieux résister à l'usure du temps, et rappeler à ma prospérité sentimentale, si besoin était, que j'ai définitivement atteint l'autre rive, l'autre bord, dans une croisière désormais sereine où ma main s'amusera une vie des doigts tendres de mon Chocolat.
Une vie ou davantage.